Achats des collectivités : prix contrastés et gamme diversifiée
Selon les derniers chiffres communiqués par FranceAgriMer, les collectivités représentent 6 % du chiffre d'affaires de la filière horticole. Ce marché est tributaire du calendrier électoral, des budgets et des tendances, mais semble rester actif...
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Pour le marché des collectivités, la saison est terminée, ou presque. Seules quelques livraisons d'annuelles ou d'arbustes en conteneurs restent à effectuer, mais l'essentiel des plantations est en place. Comment se sont passés les douze derniers mois ? Les budgets serrés ont-ils un impact sur le niveau des commandes passées chez les horticulteurs et les pépiniéristes ? Telles sont les questions auxquelles nous avons cherché à répondre pour compléter nos enquêtes « marché » qui portaient jusqu'ici sur la fête des Mères (parution en juin), la saison de printemps en jardinerie (en juillet), la Toussaint (en novembre ou décembre) et les fêtes de fin d'année (en janvier).
Selon les collectivités que nous avons interrogées, les villes ont conservé un budget à peu près constant pour l'achat de végétaux. Et ce « malgré une baisse de notre budget global », souligne Gaëtan Richard, du service espaces verts d'Aulnay-sous-Bois. Pour Lille et Cherbourg, la tendance est plutôt à une légère baisse et, à Reims, les achats ont augmenté. Ces fluctuations dans un sens ou dans l'autre sont à mettre en relation avec l'ampleur des projets de création en cours. À Vichy, Dominique Scherer, directeur des espaces verts, précise que « si les investissements en végétaux restent à peu près stables d'une année sur l'autre, il faudra cette année attendre le milieu du printemps pour mesurer réellement les dégâts liés au gel de cet hiver et faire les commandes nécessaires pour le remplacement des végétaux morts ».
Les éléments fournis par Fanny Maujean, directrice du service des parcs et jardins de la Ville d'Angers, permettent d'entrer un peu plus dans les détails concernant la répartition des achats auprès de la filière horticole (voir le tableau ci-contre), qui se décomposent ainsi :
- achats directs de graines et boutures pour une mise en production au centre horticole ;
- achats directs pour le renouvellement des massifs, vivaces, arbres, arbustes et bulbes ;
- achats directs de fleurs coupées pour la décoration florale et de plantes vertes pour les manifestations, un poste qui a été réduit de moitié ;
- achats directs de fournitures et d'intrants liés au végétal (pots, compost, terreau...) pour la pépinière et le centre horticole. Les achats indirects dans le cadre de marchés d'aménagement d'espaces verts se situent autour de 25 000 € à 35 000 € TTC par an.
Les collectivités jugent les prix globalement stables
Pour la grande majorité des collectivités interrogées, les prix d'achat des végétaux sont jugés stables par rapport à la saison dernière. Certaines (Versailles, Charenton-le-Pont, Valence) achètent leurs végétaux dans le cadre d'un marché sur trois ou quatre ans, ce qui explique en partie cette appréciation. Quelques villes font remarquer que les frais de transport sont en revanche à la hausse, principalement en raison de l'augmentation du prix des carburants. À Aulnay-sous-Bois, on souligne également que le montant des achats permettant d'obtenir un « franco de port » est plus élevé que par le passé. D'autres notent, enfin, une légère augmentation des prix due au passage de la TVA à 7 % depuis janvier 2012.
Maurice Bourrée, responsable des achats végétaux à la direction des jardins de la Ville de Rennes, précise que « si, d'une manière globale, les prix des végétaux n'ont pas évolué à la hausse, on peut cependant observer des disparités assez fortes entre certaines essences, notamment pour les arbres. » Il constate, par exemple, depuis cinq ans, une baisse importante sur le Magnolia kobus, de l'ordre de 30 à 45 % du prix unitaire. L'explication réside dans le fait que les pépiniéristes ont augmenté la mise en culture de cette essence à la période où la demande était très forte. Aujourd'hui, celle-ci reste stable et la profession dispose de lots relativement importants. Le même phénomène est observé pour le Pyrus calleryana 'Chanticleer'. En revanche, d'autres espèces comme l'Amelanchier canadensis, l'Amelanchier arborea 'Robin Hill' ou encore les Lagerstroemia sont vendus à des prix très élevés. À une forte demande vient s'ajouter le fait que ces essences ont un développement relativement lent ».
La palette végétale se diversifie au profit de végétaux pérennes
La réduction des massifs fleuris composés d'annuelles et de bisannuelles au profit des vivaces, des bulbes naturalisables et des végétaux ligneux pérennes se confirme pour la quasi-totalité des collectivités. L'heure est à la diversification de la palette et à la recherche de plantes peu gourmandes en eau et adaptées au contexte pédoclimatique local.
« À Nancy, 80 000 plantes annuelles ont été remplacées par des plantes vivaces et des arbustes, principalement sur les sites non équipés d'un arrosage automatique. Grâce à un partenariat développé en 2011 avec Plan Ornemental, nous avons pu enrichir notre palette végétale de plus de 950 variétés. Nous recherchons des végétaux au port plus compact et plus résistant à la sécheresse », précise Pierre Didierjean, directeur du service parcs et jardins.
« À Lille, nous privilégions l'achat de plantes vivaces en conteneur qui s'installent rapidement et, d'une façon générale, nous orientons notre choix sur une palette locale, avec des plantes présentant un intérêt du point de vue de la biodiversité, mellifères, nectarifères ou hôtes pour des auxiliaires », explique Séverine Bachelet, responsable du fleurissement.
Depuis le printemps 2010, la Ville de Cherbourg a totalement supprimé les massifs à base d'annuelles et de bisannuelles. « Les achats de vivaces et de graminées ont fortement augmenté, avec une sélection d'espèces rustiques pour les espaces naturels, plus horticoles et exotiques pour le centre-ville », souligne Dominique Poirier, responsable du service espaces verts.
À Rennes, la quantité de graminées et de plantes vivaces a fait un bond en avant de 80 % en cinq ans.
À Angers, le développement de l'utilisation des vivaces est en cours, notamment pour les incorporer dans les massifs d'annuelles comme plantes de structure. Elles sont récupérées au centre horticole lorsque le massif est enlevé pour être réutilisées l'année suivante.
Dans certains sites, les vivaces remplacent totalement les anciens massifs de fleurissement annuel pour un aménagement pérenne. Une étude est réalisée pour analyser l'impact de ces changements sur la production du centre horticole et sur les coûts de fonctionnement du service (prestations d'entretien). Sont également développées des animations à base d'annuelles autour de plantes de collection installées dans le Jardin des plantes (persicaires, primevères, cucurbitacées, bruyères...) qui sont ensuite réutilisées sur l'ensemble des jardins. À Tours, Bertrand Sauvage, responsable du pôle végétal, souligne que « la gamme de bisannuelles et d'annuelles reste très large et importante, mais nous utilisons plus de vivaces et de graminées dans nos compositions, soit en mélange avec les annuelles et bisannuelles, soit pour des massifs “durables”. Pour les ligneux, les formes utilisées sont diversifiées avec des cépées, des tiges et des demi-tiges. Sur le choix d'espèces, nous utilisons différentes variétés et cultivars d'Amelanchier, des Malus et Prunus à fleurs, des Cornus mas ».
Plusieurs villes, comme Saint-Jean-de-Monts, Cherbourg, Tours, Angers, Aulnay-sous-Bois mettent en place chaque année des essais pour tester des nouveautés avant de les implanter en plus grand nombre. « À Aulnay-sous-Bois, nos marchés publics sont conçus de telle sorte qu'ils encouragent les fournisseurs à nous proposer des nouveautés », signale Gaëtan Richard.
À Quimper, Ronan Déniel, en charge du fleurissement, fait part de sa réflexion sur ces évolutions : « Si nous avons diminué le fleurissement saisonnier, nous tenons à en garder toujours un peu car cela représente un savoir-faire qu'il ne faut pas perdre et cela stimule notre créativité. En outre, cela plaît toujours aux habitants. »
Les producteurs ont une perception plus nuancée
De leur côté, les producteurs font un bilan plus nuancé et expriment une inquiétude plus marquée, en particulier concernant les prix pratiqués dans les appels d'offres. « En Europe de l'Ouest, la France reste (pour combien de temps ?) le marché le plus demandeur », estime Michel Leborgne, qui dirige les pépinières Drappier, dans le Nord.
« À ce titre, il attire toute la production européenne de végétaux et les prix qui se forment “à la corbeille française'' sont très bas. Nous avons fait un chiffre d'affaires nettement meilleur que l'année dernière, mais avec le sentiment d'avoir bradé une partie de nos articles. » Notant qu'il est trop tôt pour tirer un enseignement du marché des annuelles, Thierry Simier, horticulteur dans le Loir-et-Cher, note que le marché des bisannuelles poursuit sa baisse : « Je constate une diminution des surfaces plantées, ce qui est récurrent depuis cinq ans. La lente érosion du départ est désormais sensible. Elle coïncide avec le fleurissement différencié, émanation de la gestion différenciée... » Mais globalement, pour lui, la phrase qui peut résumer la tendance générale est : « Toujours moins cher. »
Faire le spectacle à peu de frais
Les sentiments sont partagés concernant les surfaces plantées, certains estimant qu'elles augmentent malgré les contractions budgétaires et de personnel (que tout le monde constate unanimement), d'autres qu'elles baissent, rejoignant en cela les témoignages des collectivités...
Côté gamme, la tendance est à la diversification, au point, côté arbres, d'en oublier de grands classiques comme le tilleul. Les cépées poursuivent leur progression, la taille des arbres d'alignement baisse un peu, de 20/25 à 18/20 par exemple. En ce qui concerne l'horticulture, on constate également une tendance à diversifier la palette. Vivaces et arbustes poursuivent leur avancée, ce que corroborent largement les collectivités. Certains notent une recrudescence des classiques, en particulier dans les petites communes.
Par contre, à quelques mois des prochaines élections municipales, les producteurs constatent que le secteur permet encore de montrer, à peu de frais, que les élus font des choses. Certaines collectivités « mettent le paquet » sur le fleurissement et Thierry Simier précise ainsi que des clients ont « doublé leur budget ! »
Yaël Haddad et Pascal Fayolle (*)
(*) Avec le concours des collectivités d'Angers, Aulnay-sous-Bois, Charenton-le-Pont, Cherbourg, Lille, Nancy, Perpignan, Quimper, Reims, Rennes, La Rochelle, Saint-Jean-de-Monts, Tours, Valence, Versailles, Vichy, ainsi que des producteurs.
Plantes : diversificationLes collectivités sont toujours à la recherche de plantes pérennes, résistant aux conditions difficiles et peu gourmandes en intrants.
Bisannuelles : contractionCertaines catégories de végétaux se maintiennent mieux que d'autres. Pour les bisannuelles, les temps sont difficiles.
Arbres : réduction de tailleDu côté des arbres, l'élargissement de la palette se fait au détriment des grands classiques. On constate aussi une légère diminution du calibre des plantations.
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